Prendre appui sur les mots,

30 coups de bâton.

Prendre appui sur la méditation,

30 coups de bâton.

Prendre appui sur le vide, 

10 000 coups de bâton.

Houang-po : la méthode de l'esprit un

23/02/2023

Houang-po : la méthode de l'esprit un

Cet article reprend des extraits du livre "Houang-po Entretiens" de Patrick Carré aux éditions POINTS.

 

"Hors l'Eveil, il n'est aucune Réalité, et si L'Eveil avait une quelconque réalité, ce ne serait pas l'Eveil"

 

Et comme Houang-po nie toute transmission de son Eveil, aucun être se prenant pour tel ne peut le dire ou le penser. Seule une heureuse coïncidence ouvre l'accès à la Voie où  l'esprit se dissout et s'affine au fil de sa pureté primordiale.

 

1

 

"Tous les Bouddhas et tous les êtres vivants ne sont autres que l'esprit un : il n'est pas d'autre méthode spirituelle. Depuis des temps sans commencement, cet esprit, jamais venu à l'existence, n'a jamais cessé d'exister; ni bleu ni jaune, sans forme ni aspect, il ne relève ni de l'être ni du non-être, ni de l'ancien, ni du nouveau; il n'est ni long ni court, ni grand ni petit, au-delà de toute possibilité d'être perçu ou considéré comme un objet : Le voici, réalité en soi. Mais à la première considération, on divague ... Illimité et insondable, on dirait l'espace vide.

Ainsi, cet esprit un est le Bouddha, et entre le Bouddha et les êtres vivants il n'est pas de différence. Cependant, les êtres vivants cherchent toujours ailleurs en s'attachant à des caractères particuliers, et en cherchant, il en viennent à tout perdre, car en envoyant leur idée du Bouddha à la recherche du Bouddha et leur esprit à la recherche de l'esprit, même à corps perdus pendant des kalpas, ils ne peuvent aboutir à rien. Ils ignorent que le Bouddha apparaît spontanément à celui qui arrête de l'évoquer en se dégageant du processus de la pensée. [...]

Cet esprit clair et pur ressemble à l'espace vide, car en aucun point il n'a de forme particulière. Susciter un état d'esprit particulier par le biais des pensées, c'est dévier de la substance des choses et s'attacher à des caractères particuliers. Or, il n'y a jamais eu, depuis des temps sans commencement, de "Bouddha attaché aux particularités". [...]

Le Bouddha et les êtres vivants sont indistincts en l'esprit un qui, comme l'espace vide, n'est jamais confus et ne se dégrade pas. [...]

Il y en a qui considèrent le Bouddha en lui prêtant les signes particuliers d'être pur, lumineux et libre et les être vivants en leur prêtant les signes particuliers d'êtres impurs, obscurs et enchaînés au samsara. Toutefois, ceux qui s'expliquent les choses de la sorte n'atteindront jamais l'Eveil même après d'innombrables kalpas, parce qu'ils s'attachent à des caractères particuliers.

Dans cet esprit un, donc, il ne reste plus la moindre réalité à trouver, car l'esprit est le Bouddha. De nos jours, les adeptes qui ne se sont pas éveillés à cet esprit en sa substance ne font que produire pensée sur pensée, chercher le Bouddha à l'extérieur et pratiquer en s'attachant à des caractères particuliers. C'est là une mauvaise méthode et non la Voie de l'Eveil.

 

 

2

 

Il vaut mieux honorer un seul adepte du non-esprit que les Bouddhas de tous les espaces. Pourquoi ? Parce que le non-esprit est l'absence de tout état d'esprit particulier. [...] On n'y trouve ni sujet ni objet, ni lieu ni orientation, ni aspect ni forme, ni gain ni perte. Ceux qui se hâtent n'osent pas s'engager dans cette méthode. Ils ont peur de tomber dans le vide sans plus avoir à quoi se raccrocher. Alors, ayant scruté l'abîme, ils reculent et, tous sur le même modèle, ils partent en quête de connaissances et d'opinions. C'est pourquoi, ceux qui recherchent les connaissances et les opinions sont (nombreux) comme des plumes, mais ceux qui s'éveillent à la Voie, (rares) comme une corne. [...]

Au delà de tous les aspects particuliers,  les êtres vivants et les Bouddhas n'y sont plus distincts et il suffit de connaître ce non-esprit pour atteindre l'ultime. Sans accéder directement au non-esprit, les adeptes pourraient s'exercer pendant des kalpas qu'ils n'arriveraient jamais au terme de la Voie. Enchaînés aux bonnes actions propres au trois véhicules, ils ne peuvent pas se libérer. Cependant, pour attester cet esprit, il faut plus ou moins de temps. Il y en a qui parviennent au non-esprit en écoutant l'enseignement rien qu'un instant. Il y en a d'autres qui y parviennent au terme des dix aspects de la foi, des dix activités, des dix stations et des dix décades. Il y en a encore qui y parviennent en atteignant la dixième terre. Restez aussi longtemps que vous le pouvez dans le non-esprit. Vous n'aurez alors plus rien à cultiver, plus rien à attester.

En réalité, il n'y a rien à trouver, mais la réalité n'est pas le néant. Celui qui y parvient en un instant et celui qui y parvient à la dixième terre ont exactement le même mérite, sans que l'un soit superficiel et l'autre profond; car sans être parvenu au non-esprit, on ne fait que peiner en pure perte pendant des kalpas.

Faire le bien et faire le mal, c'est s'attacher à des caractères particuliers. Produire du mal en y croyant, c'est subir le samsara pour rien. Faire le bien en y croyant, c'est se donner beaucoup de mal pour pas grand chose. Tout cela ne vaudra jamais le fait de reconnaître soi-même sa propre méthode spirituelle rien qu'en m'écoutant. Cette méthode c'est l'esprit, parce qu'en dehors de l'esprit, il n'est pas de méthode. Cet esprit est la méthode, car en dehors de la méthode, il n'est pas d'esprit. Bien que tout naturellement ce esprit soit non-esprit, le non-esprit n'a pas non plus d'existence en tant que telle. Amener l'esprit au non-esprit, c'est encore accorder l'existence à l'esprit. Une silencieuse coïncidence suffit pour que s'arrête le discours intérieur. C'est pourquoi il est dit que :

 

" Lorsqu'aux mots la route est coupée,

Les activités mentales s'arrêtent"

 

Cet esprit est notre primordialement pure bouddhéité, que tous les hommes détiennent. Tout ce qui grouille et a une âme forme avec les Bouddhas et les Bodhisattvas une seule et même substance. C'est seulement parce que nous nous méprenons à différencier que nous créons toutes sortes d'actions entraînant réaction.

 

 

I5

 

- Qu'est ce que la vérité relative ?

- Encore une complication ! Pourquoi avoir recours au langage et discuter de la pureté primordiale ? Seule l'absence de toute pensée porte le nom de sagesse sans écoulement. Il suffit pour cela que dans votre vie de tous les jours, lorsque vous vous déplacez ou restez debout, assis ou allongé, et dans tout ce que vous dites, vous ne vous attachiez pas à ce qui est composé. A cet instant où je vous parle, rien ne s'écoule ...

 

De nos jours, et selon la tendance de la dernière période de la spiritualité du Bouddha, nombreux sont les adeptes du Tch'an qui s'attachent aux sons et aux formes sans jamais les rapporter à leur propre esprit. Quand l'esprit n'est plus qu'un ciel vide et qu'on ressemble au bois mort ou à la pierre, à la cendre froide ou au feu éteint, on peut "coïncider" un tant soit peu. Sinon on finit par tomber aux mains des sbires du vieux Yama.

 

Détachez-vous seulement de tout ce qui tombe sous le coup de l'être et du non-être, et votre esprit, semblable à la roue du soleil dans l'espace, à jamais rayonnera spontanément de lumières, rayonnera sans rayonner, ce qui n'est aucunement une manière de se ménager. Arrivé là, plus d'aire de rattrapage ou de repos, rien que la mise en oeuvre des activités éveillées, autrement dit, "avoir des pensées sans que jamais elles ne se fixent", ou encore, voir votre pur corps absolu appelé Eveil suprême. Si vous ne comprenez pas ce que je veux dire, vous allez perdre votre temps à acquérir des tas de connaissances et à pratiquer dans un esprit ascétique en vous vêtant de paille et en vous nourrissant de baies sauvages... Autant de choses que je qualifie de "pratiques perverses" qui, pour sûr, vous feront renaître chez les démons. Alors, quel est l'intérêt de telles pratiques ? Pao-tche déclare :

 

"Le bouddha est au fond le fait de mon esprit,

Qu'irais-je le chercher dans les mots et les textes ?"

 

[...] Aujourd'hui donc, et à tout instant, lorsque vous vous déplacez ou restez debout, assis ou couché, entraînez-vous uniquement au non-esprit. A la longue, cela portera ses fruits. C'est votre faiblesse qui vous empêche de faire ce saut d'un instant. Que cela vous prenne trois, cinq ou dix ans, il faut que vous ayez un éclair d'expérience. La compréhension suivra naturellement. Votre incapacité en la matière vous contraint en esprit à suivre la voie du Tch'an, à vous impliquer dans la spiritualité du Bouddha.

 

"La prédication du Taghagata, est-il écrit, a pour fin de convertir. Elle ne fait que montrer des feuilles jaunes aux petits enfants en leur faisant croire que c'est de l'or pour les empêcher de pleurer. Il n'y a là rien de réel !"

 

Si vous avez quelque chose à trouver effectivement, vous n'êtes pas les disciples de notre école. Qu'auraient ses principes à voir avec son être profond ? Le soutra (du Diamant) l'affirme :

 

"Il n'y a en fait aucune réalité à trouver, et cela porte le nom d'Eveil suprême."

 

Quand on comprend cela on sait que la voie du Bouddha et la voie du diable sont aussi fausses l'une que l'autre.

 

[...]