« La Voie que l'on peut nommer n'est pas la Voie »

(Tao Te King)

Lin-Tsi : l'homme vrai et sans situation

25/02/2023

Lin-Tsi : l'homme vrai et sans situation

Cet article reprend des extraits du livre "Entretiens de Lin-Tsi" traduits du chinois et commentés par Paul Demiéville aux éditions Fayard.

 

A partir du patriarche Ma (Matsu) puis de Houang-po et enfin de Lin-Tsi, le Tch'an prend son aspect typique. L'originalité de Lin-Tsi réside en un humanisme typiquement chinois. Il ramène tout à l'homme; rien ne compte pour lui que ce qu'il appelle l'"homme vrai", terme qu'il emprunte du reste au taoïsme.

1

 

"Si je monte sur cette chaire aujourd'hui, c'est que je ne puis faire autrement - c'est par respect humain. Pour prôner notre Grande Affaire, si je m'en tenais à la tradition de notre lignée de patriarches et de disciples, je n'ouvrirais simplement pas la bouche, et vous n'auriez où mettre le pied."

 

2

 

Comme le maître s’était rendu un jour au gouvernement du Fleuve, le gouverneur Wang, conseiller ordinaire, l’invita à monter en chaire. Alors Ma-yu sortit de l’assemblée et posa la question suivante : « Du Grand Compatissant aux mille mains et aux mille yeux, lequel des yeux est le vrai ? » Le maître dit : « Du Grand Compatissant aux mille mains et aux mille yeux, lequel des yeux est le vrai ? Dis vite, dis vite ! » Ma-yu tira le maître à bas de la chaire et y prit place lui-même. Le maître s’avança et lui dit : « Bonjour ! Comment ça va ? » Ma-yu hésita. Le maître le tira à son tour à bas de la chaire sur laquelle il reprit place. Alors Ma-yu sortit de la salle ; et le maître descendit de la chaire.

 

3

 

Montant en salle, il dit : « Sur votre conglomérat de chair rouge, il y a un homme vrai sans situation, qui sans cesse sort et entre par les portes de votre visage. Voyons un peu, ceux qui n’ont pas encore témoigné ! » Alors un moine sortit de l’assemblée et demanda comment était l’homme vrai sans situation. Le maître descendit de sa banquette de Dhyâna et, empoignant le moine qu’il tint immobile, lui dit : « Dis-le toi-même ! Dis ! » Le moine hésita. Le maître le lâcha et dit : « L’homme vrai sans situation, c’est je ne sais quel bâtonnet à se sécher le bran. » Et il retourna à sa cellule.

 

 

Notes du traducteur :

 

Le terme d’« homme vrai » dérive directement des philosophes taoïstes de l’antiquité, encore qu’il ait été employé pour désigner le Buddha ou l’Arhat (le saint délivré) dans les premières traductions chinoises de textes bouddhiques. Le mot « situation » (wei) s’applique dans le langage administratif à la situation d’un fonctionnaire dans la hiérarchie officielle. Comme cette hiérarchie comprenait toute l’élite sociale, la seule qui comptât vraiment dans la Chine ancienne, un homme « sans situation » était un homme hors cadre, privé de statut, une entité indéterminée. 

 

Je ne sais quel bâtonnet à se sécher le bran : toute définition de l’« homme vrai » ne peut être qu’impropre (au sens propre), vile, ordurière, puisqu’il est par définition ce qui échappe à toute définition. En Inde, où il n’y avait pas de papier, on s’essuyait avec des bouts de bois, ainsi que le prescrivent les codes disciplinaires, et les moines chinois avaient adopté cet usage. Le Buddha lui-même est parfois défini dans le Tch’an comme un « bâtonnet à se sécher le bran » (p. ex. par Wen-yen de Yun-men, mort en 949), ce qui est logique puisque le Buddha est l’indéfinissable par excellence, tout comme l’« homme vrai » qui n’est autre que le Buddha en tout homme.

 

10

 

Lors d’une consultation du soir, le maître donna l’instruction collective suivante :

a. « Parfois supprimer l’homme sans supprimer l’objet.

b. Parfois supprimer l’objet sans supprimer l’homme.

c. Parfois supprimer à la fois l’homme et l’objet.

d. Parfois ne supprimer ni l’homme ni l’objet. »

 

Il y eut alors un moine qui demanda : « Qu’est-ce que supprimer l’homme sans supprimer l’objet ? »

 

Le maître dit : a. « La chaleur du soleil fait naître sur le sol un tapis de brocart ; Les cheveux pendants de l’enfant sont blancs comme fils de soie. »

 

Le moine : « Qu’est-ce que supprimer l’objet sans supprimer l’homme ? »

 

Le maître : b. « Les ordres du roi sont en vigueur dans l’univers entier ; Pour le général aux frontières, point de fumée ni de poussière. »

 

Le moine : « Qu’est-ce que supprimer à la fois l’homme et l’objet ? »

 

Le maître : c. « Les préfectures de Ping et de Fen sont coupées de toutes nouvelles ; Elles restent à part, isolées dans leur coin. »

 

Le moine : « Qu’est-ce que ne supprimer ni l’homme ni l’objet ? »

 

Le maître : d. « Le roi monte sur son palais fait de matières précieuses ; Dans la campagne les vieillards se livrent aux chansons. »

 

 

Notes du traducteur :

 

Le paragraphe 10 forme ce qu’on appelle « les quatre alternatives de Lin-tsi » (sseu leao-kien). Celles-ci sont présentées dans le cadre de la formule de la logique indienne dite du tétra-lemme (catuskotikâ : être – ne pas être – à la fois être et ne pas être – ni être ni ne pas être), appliquée ici, si je comprends bien, à quatre alternatives méthodologiques concernant la théorie de la connaissance (rapports du sujet et de l’objet), dont Lin-tsi entendait tenir compte dans sa méthode d’enseignement, dans sa propédeutique, selon les dispositions de ses consultants ; la méthodologie didactique est une préoccupation constante de Lin-tsi. Chacune des alternatives est illustrée par des distiques heptasyllabiques (non rimés, à la manière des vers traduits du sanscrit) qui recourent à la thématique naturiste de la poésie chinoise classique.

 

a. L’homme est le sujet ; l’objet est désigné par king, le « domaine », le « territoire », équivalent exact du sanscrit visaya (la sphère d’action de la connaissance sensible). Dans la propédeutique du Tch’an, ce mot king sert aussi à désigner les « domaines » de la discussion, les thèmes, les sujets sur lesquels elle porte. L’homme est la personne qui figure dans les séances de consultation, soit l’« hôte » soit le « visiteur », le consulté ou le consultant. Supprimer l’homme sans supprimer l’objet, c’est supprimer le sujet connaissant sans supprimer l’objet, c’est-à-dire le monde extérieur, l’univers connaissable ; c’est la position réaliste, si l’on prend ce terme au sens de l’existence du monde extérieur à l’exclusion du sujet. On se perd alors dans la nature, évoquée ici par l’image du tapis de fleurs, bigarré comme un brocart, que le soleil fait naître sur le sol au printemps. Le sujet perd la conscience de son moi ; celui-ci devient irréel comme le serait un petit enfant dont les cheveux pendants (en Chine on laissait pendre les cheveux dans le dos des enfants jusqu’à leur entrée à l’école) seraient blancs, contradictio in terminis : « les dents ne s’emboîtent pas », comme dit le commentateur Kôun – « ça ne colle pas », il y a antinomie. 

 

b. Supprimer l’objet sans supprimer l’homme : c’est la position idéaliste, celle d’une des grandes écoles du bouddhisme indien, l’école du Vijñaptimâtra ou « rien qu’information ». Le sujet seul existe, tout n’est que pensée. La suppression du monde extérieur dans les états de recueillement introverti procure une paix pareille à celle d’un monde où les ordres du souverain seraient si parfaitement observés, jusqu’au-delà des frontières du royaume, que les généraux veillant aux frontières ne verraient plus apparaître ni la fumée des signaux de transmission militaire au moyen de torches nocturnes, ni la poussière qui, de jour, annoncerait des armées en marche avec leur cavalerie. C’est là une image qui pouvait se présenter naturellement à l’esprit de Lin-tsi dans sa région de la Chine du Nord-Est, aux portes des barbares, où le pouvoir était détenu par des généraux, eux-mêmes pour la plupart d’origine barbare. Il imagine un empire si bien unifié qu’il l’assimile à l’unification de l’esprit par suppression de la diversité phénoménale et de tous les conflits qu’elle entraîne.

 

c. Supprimer à la fois l’homme et l’objet : c’est l’anéantissement de toute perception, de toute pensée dans les états de recueillement profond où s’abolissent aussi bien la connaissance du monde extérieur que la conscience interne de la personne : il n’y a plus conscience, ni même inconscience (naivasamjñâsamjñâ) ; c’est « la cime de l’existence » (bhavâgra), « le fin bout de l’être » (bhûta-kop). Dans cet état de recueillement suprême, le plus haut auquel on puisse atteindre dans la série des échelons du Dhyâna, tel l’homme qui se trouve au sommet d’un pic, on est isolé de tout comme les préfectures lointaines de Ping et de Fen, au centre de la province actuelle du Chan-si, non loin de la résidence de Lin-tsi, préfectures qui devaient être alors coupées de toute communication avec le centre de l’empire, du fait de rébellions ou d’autres événements militaires.

 

d. Ne supprimer ni l’homme ni l’objet : c’est les concilier ou les transcender ; c’est le retour à la réalité, sa réinstauration après la « critique » de la connaissance ; c’est un réalisme non plus naïf, mais sublimé : démarche bien connue dans toutes les mystiques et que Toynbee définit pas l’expression withdrawal and return. Ce « retour » est implicite dans tout le système indien du Mâdhyamika ; mais les Chinois, avec leur sens du terre à terre, lui ont accordé une importance particulière dans leur interprétation du bouddhisme, et il joue un rôle essentiel dans la pensée de Lin-tsi, qui ne cesse de protester contre l’attachement aux idéaux abstraits et contre les théories gratuites. On trouve déjà la même tendance chez son maître, Hi-yun de Houang-po, qui disait par exemple (Taishô, n° 2012 A, p 381 a) :

 

« Le profane s’attache aux objets ; le religieux s’attache à l’esprit. Oublier à la fois les objets et l’esprit, voilà la vraie Loi. Il est encore facile d’oublier les objets, mais très difficile d’oublier l’esprit : l’homme n’ose pas oublier l’esprit, il craint de tomber dans un vide où il n’aurait plus rien à quoi s’accrocher. C’est qu’il ne sait pas que le vide, fondamentalement, n’est pas vide – il n’en est ainsi que dans la Loi… »

 

11

 

a. Et le maître dit : « Ce qu’il faut actuellement à ceux qui apprennent la Loi du Buddha, c’est avoir la vue juste. Ayant la vue juste, les naissances et les morts ne les affecteront pas ; ils seront libres de leurs mouvements, de s’en aller ou de rester ; et toute supériorité transcendante leur viendra d’elle-même sans qu’ils aient besoin de la rechercher. Adeptes de la Voie, tous nos anciens ont eu leurs routes pour faire sortir les hommes. Quant à moi, ce que je leur montre, c’est à ne se laisser abuser par personne. Si vous avez usage (de ce conseil), faites-en usage ; mais plus de retard, plus de doute ! [...] Aujourd’hui, au milieu de tant d’activités de toutes sortes, qu’est-ce qui vous manque ? Jamais ne s’arrête le rayonnement spirituel émanant de vos six sens ! Quiconque sait voir les choses de cette manière, sera pour toute son existence un homme sans affaires. »

 

 

 

Notes du traducteur :

 

Dans le bouddhisme classique, la « vue juste » (ou « correcte », ou « droite » : samyag-drsti) est le premier des huit éléments constitutifs de l’éveil (bodhy-anga) et une des catégories cardinales de la dogmatique canonique. Lin-tsi l’adopte, mais en en donnant, selon son habitude, une définition à sa façon (§ 14 a). La « vue juste » revient souvent chez lui, comme dans d’autres textes Tch’an. Le « Traité de la nature de l’éveil », attribué (comme tant d’autres) à Bodhidharma (Wou-sing louen, Taishô, n° 2009, p 371 b), en offre une interprétation proprement Tch’an :

 

« C’est la vue sans vue, qu’on appelle la vue juste ; c’est la compréhension sans compréhension, qu’on appelle la vraie compréhension. »

 

L’homme vrai est à la fois le Buddha lui-même et un « patriarche vivant » (ci-dessus, § 11 a ; et § 17 a) ; les deux notions se confondent en lui.

 

Le rayonnement spirituel de vos six sens : lieou-tao chen-kouang. Le fonctionnement de l’esprit, qui s’opère par la voie (tao) des six organes des sens, est assimilé à un rayonnement

 

Sans affaires : wou-che, un des termes clés du vocabulaire de Lin-tsi. Il se rattache directement au wou-wei de la philosophie taoïste (« rien-faire », non-agir, « no ado »).

 

b. « Vénérables, il n’y a point de paix dans le Triple Monde ; il est comme une maison en feu. Ce n’est point un lieu où vous restiez longtemps. Le démon tueur de l’impermanence frappe en un seul instant, sans choisir entre gens de haute et de basse condition, ni entre vieux et jeunes. Voulez-vous ne pas différer du Buddha-patriarche ? Gardez-vous seulement de chercher au-dehors de vous-mêmes. Le rayonnement pur émanant de votre esprit à chacune de vos pensées, c’est là le Buddha en son Corps de Loi qui est en votre propre maison ; le rayonnement sans différenciation subjective qui émane de votre esprit à chacune de vos pensées, c’est là le Buddha en son Corps de Rétribution qui est en votre propre maison ; le rayonnement sans différenciation objective qui émane de votre esprit à chacune de vos pensées, c’est là le Buddha en son Corps de Métamorphose qui est en votre propre maison. Ces Trois Corps ne sont autres que vous-mêmes qui êtes là, devant mes yeux, à écouter la Loi. Mais c’est seulement en ne courant pas chercher à l’extérieur, que vous aurez un tel pouvoir. On se fonde sur les Textes et sur les auteurs de Traités, pour faire de ces Trois Corps des normes suprêmes. À mon point de vue, il n’en est point ainsi. Ces “Trois Corps”, ce ne sont que des noms, des mots ; ce ne sont aussi que des points d’appui dépendants. Les anciens l’ont dit : “Les Corps de Buddha ne diffèrent qu’en dépendance du sens qu’on leur attache ; les Terres de Buddha n’existent que du point de vue de la substance. ” Il est clair que les Corps et les Terres, qui sont en réalité essence des choses, n’existent comme tels qu’en tant que reflets. »

 

c. « Vénérables, sachez reconnaître l’homme en vous qui joue avec des reflets : c’est lui qui est “la source originelle de tous les Buddha” ; c’est lui, adeptes, en qui vous trouvez refuge où que vous soyez. Ce n’est point votre corps matériel fait des quatre grands éléments, qui sait énoncer la Loi ni l’écouter ; ce n’est ni votre rate ni votre estomac, ni votre foie ni votre vésicule biliaire ; les cavités de votre corps non plus ne savent ni énoncer ni écouter la Loi. Qu’est-ce donc qui sait énoncer la Loi et l’écouter ? C’est vous qui êtes là devant mes yeux, bien distincts un à un, lumières solitaires ne comportant aucune fragmentation physique : voilà ce qui sait énoncer la Loi et l’écouter. Quiconque sait voir les choses ainsi, s’identifie au Buddha-patriarche. Mais il faut que ce soit à chacune de vos pensées, sans discontinuité, et que tout ce qui touche vos yeux soit tel ! “C’est seulement parce que naissent les passions, que le savoir se trouve intercepté ; c’est du fait des modifications de la conscience, que l’essence se différencie. ” » Telle est la cause de la transmigration dans le Triple Monde, au cours de laquelle on subit toutes sortes de douleurs. Mais, à mon point de vue, (si l’on sait réaliser l’homme vrai) il n’est plus rien qui ne soit très profond, rien qui ne soit délivrance.

 

d. « Adeptes, les choses de l’esprit sont sans figure sensible ; elles compénètrent tout dans les dix directions. C’est l’esprit qu’on appelle la “vue” dans l’œil, l’“ouïe” dans l’oreille, l’“olfaction” dans le nez, la “discussion” dans la bouche, la “préhension” dans les mains, la “course” dans les pieds. “Ce n’est foncièrement qu’un seul rayonnement subtil, qui se répartit en six contacts. ” Pour peu qu’on n’ait aucune pensée, on sera délivré où qu’on soit. Quelle est donc mon idée en vous parlant ainsi ? C’est seulement, adeptes, que je vous vois avoir toutes ces pensées qui vous font courir en cherchant, sans que vous puissiez les arrêter, tombant ainsi dans les vains pièges que vous tendent les anciens. Adoptez mon point de vue, adeptes : tranchez la tête du Buddha de rétribution et celle du Buddha de métamorphose. Les Bodhisattva qui ont pleinement satisfait aux dix étapes de leur carrière, sont comme des salariés. Ceux qui ont atteint l’éveil d’identité ou l’éveil merveilleux, sont des gaillards mis à la cangue et chargés de chaînes. Les saints Arhat et les Buddha-pour-soi, sont comme ordures des latrines ; l’éveil et le Nir-vâna, comme pieux à attacher les ânes. C’est seulement, adeptes, parce que vous n’êtes pas parvenus à concevoir la vacuité de toutes les pratiques prescrites aux Bodhisattva pour trois périodes cosmiques incalculables, qu’il y a en vous cet obstacle qui vous obstrue. Jamais rien de pareil chez un véritable religieux, lequel ne sait que “liquider ses actes anciens au fur et à mesure des conditions”. Il s’habille au hasard ; lorsqu’il veut marcher, il marche ; lorsqu’il veut s’asseoir, il s’assied. Il ne lui vient pas la moindre pensée d’aspirer au fruit de Buddha ou de le rechercher. Et pourquoi ? Un ancien l’a dit : “Pour qui veut rechercher le Buddha en faisant des actes, le Buddha sera grand pronostic de naissances et de morts. ” »

 

Note du traducteur :

 

Le « rayonnement subtil » est celui de l’esprit « un » (qui s’identifie au « sans-esprit » ou au « sans-pensée » du Tch’an).

« Salarié » est devenu dans le Tch’an une injure courante, qui se retrouve souvent dans les textes de la fin des T’ang.

Pieux à attacher les ânes : image – courante dans le Tch’an – de l’esclavage causé par l’attachement à des idéaux extérieurs.

 

e. « Vénérables, le temps est précieux, mais vous ne pensez qu’à vous agiter comme les vagues de la mer, recourant à d’autres pour apprendre le Dhyâna, pour apprendre la Voie, ne voulant connaître que des noms et des phrases, cherchant le Buddha, cherchant les patriarches, cherchant des amis de bien, et vous livrant à des spéculations. Ne vous y trompez pas, adeptes ! Vous avez un père et une mère, c’est tout. Que cherchez-vous de plus ? Essayez donc de retourner votre vision vers vous-mêmes ! Un ancien l’a dit : “Yajñadatta croyait avoir perdu sa tête ; S’il eût cherché le repos de l’esprit, il aurait été sans affaires. ” Tout ce qu’il vous faut, vénérables, c’est vous comporter le plus ordinairement du monde. Pas tant de manières ! Il y a certains coquins chauves, ignorants du bien et du mal, qui prétendent voir des esprits, voir des démons, qui font des signes du doigt à l’est ou des traits à l’ouest, qui aiment à parler du beau temps et de la pluie. Pour toute cette engeance viendra le jour de rendre compte, et ils avaleront des boules de fer brûlant devant le vieux Yama ! Des fils et des filles de bonnes familles se voient envoûter par cette bande de renards sauvages et de larves malignes. Pour ces gnomes aveugles viendra le jour où l’argent de leur grain leur sera réclamé ! »